Changement climatique
La séquestration du carbone dans les sols viticoles
Août 2025
Alors que les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles et impactent les rendements des cultures, le stockage de carbone dans les sols agricoles est une composante de l’équation complexe de l’atténuation du changement climatique. Bonne nouvelle : ce stockage de carbone a des bénéfices plus directs sur le sol et la culture car il correspond à une augmentation du taux de matière organique du sol.
La séquestration du carbone dans les sols agricoles fait partie des actions à mettre en place pour compenser les émissions de gaz à effet de serre que l’on ne pourra pas réduire.
Le stockage de carbone dans le sol est issu de la photosynthèse : la plante absorbe du CO2 atmosphérique dont le carbone devient un composant de la matière végétale. Lorsque celle-ci meurt, elle tombe au sol et est dégradée par les micro-organismes. Une partie va être rejetée dans l’atmosphère, l’autre sera transformée en matière organique. Quand cette matière organique est stable, son stockage (et donc celui du carbone) dans le sol sera long.
Vous l’avez compris, stocker du carbone dans le sol, c’est augmenter son taux de matière organique. Augmenter le taux de matière organique d’un sol, c’est apporter des bénéfices au sol et aux cultures :
- Amélioration de la structure du sol,
- Amélioration de la rétention en eau
- Réduction de l’érosion,
- Amélioration de la biodiversité du sol,
- Restitution plus importante d’éléments nutritifs aux cultures
Le stockage de carbone dans le sol n’est donc pas seulement un objectif environnemental, c’est aussi un objectif agronomique.
On peut se dire que les sols viticoles contribueront peu au stockage de carbone au regard de la surface de vigne présente en France aujourd’hui (et encore plus demain !). C’est vrai mais les sols viticoles sont globalement pauvres en matière organique et offrent ainsi un potentiel d’amélioration élevé. Effectivement, la vigne restitue peu de résidus végétaux au sol. Elle est souvent en place sur des sols pauvres en matière organique car elles les valorisent bien. Les sols viticoles manquent également d’un entretien de leur matière organique.
Quels sont les leviers pour augmenter le stock de matière organique des sols viticoles ?
Toutes les pratiques qui permettent d’apporter de la matière organique au sol directement ou indirectement :
- Les bois de taille doivent être restitués au sol. 2 tonnes de bois de taille par hectare permettent d’apporter 340 kg de matière organique stable au sol.
- Couvrir les sols. De manière permanente ou temporaire (engrais verts), les couverts végétaux, en produisant de la biomasse qui meurt et se décompose, apportent du carbone au sol. 2 tonnes de biomasse permettent d’apporter en moyenne 110 kg de matière organique stable au sol. Cette quantité varie en fonction des espèces présentes dans le couvert et de l’époque de destruction.
- Apporter directement des amendements organiques. La quantité de carbone apporté au sol et sa stabilité dans le temps vont dépendre de la quantité d’amendement apporté et de sa composition (C/N, ISMO).
D’autres pratiques encore confidentielles (vitiforesterie, biochar), nécessitent encore l’acquisition de références pour évaluer le potentiel de stockage de carbone associé.
Atténuer le changement climatique. Derrière cet enjeu qui semble inatteignable, il faut bien voir que les pratiques à mettre en place auront des bénéfices plus directs pour les sols et la vigne. Il faudra également plusieurs années pour les atteindre mais ils semblent plus à portée de main que le changement climatique.
Sources : https://www.vignevin.com/article/sequestration-du-carbone-dans-les-sols-viticoles/
Décarboner l'agriculture française
Décembre 2024
La stratégie nationale bas-carbone a pour objectifs d’atteindre la neutralité carbone en France en 2050 et de réduire l’empreinte carbone des Français. Elle fixe des budgets carbone, objectifs d’émission de gaz à effet de serre à ne pas dépasser, par période de 5 ans. Pour l’agriculture, cette stratégie demande de réduire de 46% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 par rapport à 2015.
Un scénario de décarbonation a été publié par le groupe de réflexion The Shift Project pour permettre de passer de 82 millions de tonnes d’équivalent CO2 (Mt éqCO2) d’émissions directes en 2020 à 48 Mt éqCO2 en 2050. Dans ce scénario, l’agriculture stocke du carbone (16 Mt éqCO2) alors qu’elle en déstocke 10 Mt éqCO2 aujourd’hui.
Les principales conséquences de ce scénario pour l’agriculture française sont :
- Une forte augmentation des surfaces de protéagineux qui sont multipliées par 2.3. Les surfaces de soja sont quant à elles quadruplées. Les surfaces de céréales baissent de 17%. Les modifications de cheptel en élevage permettent à une part de la sole de céréales d’être réorientée vers d’autres débouchés dont l’exportation. La France continue ses exportations notamment de céréales dans ce scénario.
- La production de fruits et légumes augmente pour réduire les importations. Les surfaces irriguées augmentent de 25%. Les volumes d’eau nécessaires pour l’irrigation augmentent de 32%.
- Les volumes d’engrais minéraux azotés sont réduits de 70%. Cette réduction serait permise par l’augmentation de la sole de légumineuses/protéagineux, le développement de la méthanisation et l’utilisation des digestats, le recours accru aux couverts végétaux et la meilleure utilisation de l’azote organique.
- L’agriculture devient autonome en énergie décarbonée. Les moteurs thermiques transitent vers l’électrique, le biogaz et les biocarburants. La méthanisation se développe fortement (30 Mt de matière sèche sont orientés vers ce dispositif contre 1 Mt aujourd’hui). Le photovoltaïsme et l’agrivoltaïsme n’ont pas été intégrés au scénario.
- Le stockage de carbone est principalement obtenu grâce aux couverts végétaux dont la surface est multipliée par 8. L’agroforesterie intraparcellaire, la plantation de haies, l’enherbement des vignes et vergers interviennent également mais dans une moindre mesure.
- A noter également que le scénario table sur une augmentation des surfaces en semis direct ce qui permet de réduire la consommation d’énergie des engins agricoles et de stocker du carbone.
Ce scénario doit permettre de nourrir 112 millions de personnes (sans modification de régime alimentaire) et de réduire les consommations d’énergies directes (-20%) et indirectes (-55%) de l’agriculture française. Ce scénario est une vision de ce que pourrait être le paysage agricole français demain. Il est bien sûr soumis à de multiples aléas et mesures incitatives pour orienter les changements à effectuer.
Le maintien des prairies permanentes
Les prairies permanentes ont un fort intérêt environnemental. Réservoir de biodiversité, protection des sols, rétention et filtration de l’eau, stockage de carbone sont autant de services environnementaux rendus par les prairies. Dans de nombreuses régions, l’élevage est en repli et les prairies permanentes sont menacées. Sur les aires d’alimentation de captages prioritaires, cet enjeu du maintien des prairies est prioritaire mais difficile de maintenir l’élevage y compris dans ces secteurs particuliers, à moins peut-être d’y mettre un peu plus d’énergie.
L’agrivoltaïsme au service des éleveurs.
La loi du 10 mars 2023 sur l’accélération des énergies renouvelables veut multiplier par 10 la production d’énergie solaire d’ici 2050. Elle donne une définition à l’agrivoltaïsme : « Une installation agrivoltaïque est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l'installation, au maintien ou au développement d'une production agricole. » C’est une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l'un des services suivants, en garantissant à un agriculteur une production agricole significative et un revenu durable :
- L'amélioration du potentiel et de l'impact agronomiques
- L'adaptation au changement climatique
- La protection contre les aléas
- L'amélioration du bien-être animal.
Pour un éleveur, l’agrivoltaïsme apportera un revenu supplémentaire qui pourra conforter son activité d’élevage. Les panneaux photovoltaïques pourront être mis en place sur des prairies. Des panneaux solaires verticaux existent et peuvent limiter l’emprise au sol. Pour limiter d’autant plus l’impact sur la production agricole, ces panneaux peuvent être positionnés sur les parcelles les moins productives.
La méthanisation pour valoriser les productions des prairies permanentes.
Une manière de valoriser la production de prairies permanentes est une utilisation comme biomasse énergie dans un méthaniseur. Les digestats pourront être épandus sur les prairies notamment. Cette utilisation de la production des prairies en méthanisation permet une gestion plus extensive des prairies et des dates de fauche qui peuvent être retardées. D’un point de vue réglementaire, la production d’une prairie permanente peut être mise dans un méthaniseur sans limite. Evidemment, les prairies ne suffiront pas à alimenter le méthaniseur. Cette réflexion se fait dans un cadre plus global qui évalue le gisement de matière organique méthanisable et la rentabilité du dispositif.
Ramenée à l’hectare, la production d’énergie est bien plus importante avec l’agrivoltaïsme qu’avec la méthanisation. Le recours à des dispositifs de production d’énergie n’est pas encore automatique quand on parle de valorisation de prairies permanentes ou de soutien à l’activité d’élevage. Pourtant, la production d’énergies renouvelables en agriculture devrait se développer fortement ces prochaines années. Il peut s’agir d’opportunités à saisir pour maintenir des prairies.
Sources : Restitution de l’étude menée par Yves Leroux et un groupe d’étudiants de l’ENSAIA de Nancy sur l’aire d’alimentation des captages du Centre-Ouest (79). 2023.
Le projet 4 pour 1000
Stocker du carbone dans le sol pour compenser les émissions de CO2 dans l’atmosphère, tel est l’objet du projet 4 pour 1000 lancé en 2015 lors de la Conférence de Paris sur le Climat. L’idée de base est simple : si l’on augmente chaque année de 4 ‰ le stock de C des sols de la planète dans l’horizon de surface (0-30 cm), on compense nos émissions de CO2 et on atténue le changement climatique. L’INRA vient de publier les résultats d’une étude sur le potentiel de stockage en France et son coût.
Le label bas-carbone
Le label bas-carbone, mis en place par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, sert à labelliser des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre et séquestration du carbone. Il permet un financement des projets par des entreprises, des collectivités, des particuliers en garantissant à ces financeurs la qualité du projet.
La contribution des cultures intermédiaires au stockage du carbone
Les cultures intermédiaires ont été préconisées à la base pour servir d’engrais vert et limiter les fuites de nitrates vers les nappes phréatiques. A l’heure du changement climatique, l’agriculture est émettrice de gaz à effet de serre mais elle contribue également à réduire les émissions de ces gaz en stockant du carbone dans les sols. Les cultures intermédiaires sont une pratique favorable au stockage de carbone dans le sol.
Haies et changement climatique
L’agriculture subit les conséquences du changement climatique (sécheresse, fortes précipitations, températures élevées…). Limiter les impacts de ce changement va dépendre de la capacité des systèmes cultivés à supporter les évènements climatiques extrêmes et de notre capacité à stocker du carbone. Dans ces 2 cas, les haies ont un rôle à jouer.
Quelles pratiques pour combiner lutte contre le réchauffement climatique et qualité de l’eau?
En France, l’agriculture est responsable de 19% des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES). Si l’agriculture est émettrice de GES, elle a l’intérêt de pouvoir également stocker du carbone et donc de compenser une partie des émissions de CO2. Que ce soit pour limiter le réchauffement climatique ou agir pour la qualité de l’eau, un seul objectif : réduire les pertes en carbone et azote.