Diversification des cultures
Association céréales-protéagineux, levier contre les bioagresseurs ?
Mars 2025
Le projet Assoprotect cherche à valoriser les connaissances acquises sur les effets des associations de cultures concernant la régulation des bioagresseurs. Ce projet se base sur des travaux déjà existants. Il couvre 5 régions françaises dont la région Centre-Val de Loire et la Nouvelle Aquitaine. Ce projet s’est penché sur la question des associations céréales-protéagineux vis-à-vis de la régulation des bioagresseurs. Que savons-nous ?
Parmi les associations de cultures, les associations céréales-protéagineux sont les plus courantes notamment en raison de leur utilisation possible en élevage pour améliorer l’autonomie protéique du troupeau sans avoir besoin de trier le mélange. Mais, est-ce que ce type d’association a un effet sur les bioagresseurs de la culture ?
Un travail de bibliographie, essentiellement basé sur des travaux de chambres d’agriculture, sur 56 références issues d’essais multi-sites et/ou pluriannuels en agriculture conventionnelle et biologique a été réalisé. Les associations étudiées sont multiples mais on retrouve essentiellement les espèces suivantes : blé, orge, triticale, avoine, féverole, pois.
La majorité des références bibliographiques étudiées est basée sur des associations où l’ensemble des espèces est récolté. 12% des références traitent d’associations où l’une des espèces est détruite (plante de service non-récoltée).
Gestion des adventices : la grande majorité des travaux donne un effet positif des associations concernant la gestion des adventices. La complémentarité entre les espèces de l’association entraine une meilleure couverture du sol et une compétition accrue avec les adventices vis-à-vis des ressources du milieu et de la lumière.
Gestion des ravageurs : L’effet des associations céréales-protéagineux est positif sur pucerons d’automne en céréales ainsi que sur sitones. En revanche, aucun effet n’a été démontré sur les bruches. L’effet des associations de cultures sur les différents ravageurs reste assez peu étudié.
Gestion des maladies : L’effet des associations sur les maladies dans les essais étudiés est non conclusif ou non étudié. Aucun travail ne révèle d’effet négatif. Il s’agit d’un axe de recherche à explorer.
Type d’association | Effet sur les adventices | Effet sur les ravageurs | Effet sur les maladies |
Céréales-protéagineux | Positif | Peu étudié. Positif sur pucerons d’automne et sitones | Peu étudié. Non-conclusif. |
Pour maximiser les effets d’une association de cultures :
Il y a un facteur « espèces » : certaines espèces produisent des substances nutritives (exsudats extra-floraux de la féverole) qui peuvent attirer des auxiliaires.
Il y a un facteur « nombre d’espèces » : il a été montré un effet du nombre d’espèces de l’association sur la faune arthropode du sol. Des espèces comme la sitone vont perdre du temps lors de leur prospection de nourriture sur les plantes non-cibles.
Il y a un effet « itinéraire technique » : Concernant l’effet de l’association sur les adventices, il a été montré que semer les espèces par rang permet une meilleure concurrence (un rang de céréales et un rang de protéagineux en alternance). Le respect des profondeurs de semis des différentes espèces aura aussi un effet positif sur la concurrence des adventices. Par rapport aux maladies, on choisira plutôt la date de semis du mélange par rapport au protéagineux.
Source : Projet Assoprotect.
Les bénéfices des associations céréales-protéagineux
Semer des espèces en mélange pour tirer partie des caractéristiques de chacune des espèces semées et améliorer les performances du mélange par rapport à des espèces cultivées en pure, voilà un pari qui peut-être gagnant. Ses avantages sont d’autant plus visibles en système contraint comme en agriculture biologique.
Arvalis a étudié l’intérêt des associations céréales-protéagineux en agriculture biologique au niveau national sur la base des résultats d’un réseau de 9 essais menés de 2021 à 2023.
Les associations testées mêlent une céréale (blé tendre, blé dur, orge d’hiver, orge de printemps, triticale) et une légumineuse (pois, féverole, lentille). 3 stratégies sont testées. Elles correspondent à des proportions différentes de céréales et protéagineux dans les mélanges implantés :
- La stratégie « protéines » consiste à produire majoritairement de la céréale en comptant sur le protéagineux pour améliorer la teneur en protéines de la céréale. La densité de semis associée à cette stratégie est de 70% de céréales et 30% de protégineux.
Pour cette stratégie, la céréale correspond à 84% des graines récoltées (en poids de graines). La productivité de la céréale associée en termes de rendement et de teneur en protéines est nettement améliorée. Le rendement de la céréale associée (non fertilisée) est équivalent à celui d’une céréale pure fertilisée. La teneur en protéines de la céréale associée est améliorée de 0.7% en comparaison à une céréale seule non fertilisée et 0.6% par rapport à une céréale seule fertilisée.
- La stratégie « équilibre » souhaite produire autant de céréales que de protéagineux. La densité de semis associée à cette stratégie est de 55% de céréales et 45% de protéagineux.
Cette stratégie remplit son contrat puisque les céréales représentent 48% des graines récoltées et les protéagineux 52% (en poids de graines). Les performances du mélange sont toujours supérieures à celles des cultures pures, céréales ou protéagineux. Cependant, les céréales gagnent moins en productivité dans cette stratégie en comparaison des autres stratégies. Il faut toutefois souligner le gain en protéines par rapport à une culture de céréale seule : +3.4% en moyenne ! Le gain de rendement du protéagineux en mélange est également à souligner en comparaison d’un protéagineux seul (+ 5 q/ha).
- La stratégie « légumineuse » cherche à prioriser la production du protéagineux par rapport à la céréale. Cette dernière sert de tuteur au protéagineux. La céréale occupe l’espace au démarrage de la culture pour limiter le développement des adventices. La densité de semis associée à cette stratégie est de 20% de céréales et 80% de protéagineux. 4 espèces de légumineuse ont été testées : le pois, le pois fourrager, la féverole et la lentille.
A la récolte, la céréale représente 38% des graines récoltées (en poids de graine). Le rendement de l’association est supérieur à celui de chaque espèce cultivée en pure (+2 q/ha pour la légumineuse en association). La céréale voit son rendement et son taux de protéines (+3.7%) fortement augmenter par rapport à la céréale seule non-fertilisée.
Les résultats de cette étude montrent donc clairement l’intérêt des associations céréales-protéagineux quel que soit la stratégie choisie. Les rendements de chaque espèce sont améliorés de même que le taux de protéines de la céréale. Arvalis est allé plus loin en ayant également une approche économique. Ce sont les associations céréales-protéagineux qui apportent en moyenne les marges les plus élevées. Ceci dit cette moyenne cache des différences entre stratégies. C’est la stratégie « légumineuse » qui entrainent l’écart de marge le plus important en faveur de l’association.
Sources : Prespectices Agricoles. N°524. Septembre 2024. Pp 32-38.
Les protéagineux robustes
Vous connaissez peut-être la démarche de Terres Inovia pour obtenir des colzas robustes. Un travail proche est en cours concernant les protéagineux. Un reproche régulier prononcé à l’encontre de ces cultures est l’irrégularité des rendements d’une année sur l’autre. Terres Inovia est donc en train de formaliser des tableaux de bords pour identifier les points de vigilance et les leviers d’actions pour obtenir des protéagineux plus robustes.
L’intérêt des légumineuses dans une rotation n’est plus à démontrer. Ces cultures permettent de diversifier l’assolement et n’ont pas besoin d’apport d’azote. Que ce soit concernant la problématique de la qualité de l’eau ou de l’amélioration du bilan carbone d’une exploitation agricole, ces cultures répondent positivement.
Ceci dit, quand on parle de protéagineux à un agriculteur, l’aspect des rendements irréguliers d’une année sur l’autre arrive rapidement. Terres Inovia travaille depuis de nombreuses années sur ces cultures et dispose aujourd’hui des indicateurs expliquant le rendement final. Sur la base de ces indicateurs, il est possible d’identifier les leviers techniques sur lesquels agir pour stabiliser les rendements.
Pour le pois et la féverole, les leviers techniques ciblés sont les suivants :
Le choix de la parcelle : Le système racinaire du pois et de la féverole ne descend pas en dessous de 80-90 cm. Il faut donc privilégier des sols à forte Réserve Utile d’autant plus si l’on s’oriente vers des variétés de printemps.
Le choix variétal : Renouveler et adapter la gamme variétale proposer aux agriculteurs pour intégrer de nouvelles variétés au profil de tolérance aux maladies intéressant.
Le travail du sol : L’alimentation de la plante s’effectue dans les 20 à 30 premiers centimètres. Ce premier horizon doit être bien structuré et aéré car c’est également à ce niveau que la fixation de l’azote se fera.
Le lit de semence : Pour obtenir une levée plus homogène, un lit de semence fin sur une profondeur de 8-10 cm et un semis profond sont nécessaires. Pour un pois d’hiver, il faut viser une profondeur de 4 à 6 cm et pour une féverole d’hiver de 6 à 8 cm. Les plantules seront ainsi mieux protégées du froid et de la phytotoxicité.
La date de semis : C’est un levier d’évitement face aux stress climatiques. Des semis précoces au printemps et tardifs en automne sont à privilégier.
La densité de semis : Doser le semis correctement en vous référant au site internet de Terres Inovia. Assurez vous également du pouvoir germinatif des lots utilisés.
La surveillance précoce : Dès les premières feuilles, une surveillance de la culture s’impose car, à ce stade, toute attaque parasitaire, aura un impact sur le développement de la culture. Une observation régulière et attentive du couvert s’impose.
Sur la base de ces leviers techniques, Terres Inovia va réaliser des tableaux de bords qui permettront d’identifier les points de vigilance et les leviers d’action en fonction du stade de la culture. Certains indicateurs restent encore à préciser. Sans surprise, le semis et la levée apparaissent comme des moments clés dans la constitution du potentiel de rendement. Ce travail doit servir au développement des protéagineux dans les assolements.
Sources : Remurier B. & Penant A. 2023. « Pour des protéagineux plus robustes ». Perspectives agricoles. N°513, pp28-31.